En effet, comme toutes techniques, les outils du marketing ne sont pas neutres. Certes, ils ne sont ni positifs ni négatifs (une publicité peut vanter les mérites du tabac ou inciter à arrêter de fumer), mais ils ne sont pas neutres. Pour deux raisons. D'une part, comme le rappelle Jacques Ellul (1988), toute technique est ambivalente : elle est à la fois positive et négative, elle présente des qualités mais aussi des défauts. Avant d'utiliser une technique de communication, il faut donc penser, à la fois, ses avantages et inconvénients (faire une mailing list pour débattre en dehors des réunions, c'est exclure des débats ceux qui ont des difficultés avec l'informatique, soit 25 % des Français).
Mais surtout, elle n'est pas neutre ; si un marteau peut servir à de nombreux autres usages qu'enfoncer un clou (briser une vitre, maintenir une feuille volante, etc.), il ne peut absolument pas servir à scier un chêne. Pire, si l'on s'obstine à scier un chêne avec un marteau, on risque fort de se luxer l'épaule ! C'est le cas des IS qui veulent changer le monde (sortir d'une société de marché) à l'aide d'une technique, le marketing, créée pour le maintenir (résorber la crise de surproduction).
C'est également le cas lorsque les IS cherchent à informer les citoyens en multipliant les courriers individualisés, les lettres électroniques ou les courriels aux donateurs. Dans une société sursaturée d'informations, les informations des IS ne font plus sens. Pire, d'une part, elles contribuent à l'acratie (sentiment qu'il faudrait changer le monde, mais impuissance à le faire) et, d'autre part, augmentent la servitude numérique (Poitevin, 2020) en utilisant trop souvent les moyens de diffusion des GAFAM. On ne renforce pas l'autonomie des citoyens avec des algorithmes prévus pour créer plus de dépendances !
Enfin, dernière contradiction entre fins et moyens, les IS cherchent à établir une communication avec les citoyens, c'est-à-dire à construire une relation qui réclame du temps (pour comprendre ce que l'autre a compris de manière différente de nous) et de la distance (trouver l'autre en soi-même et le même en l'autre pour trouver l'équilibre entre humanité partagée et altérité respectée), avec des outils de connexion numérique qui, pourtant, sont faits pour abolir le temps et la distance.
La communication politique n'est ni persuasion, ni information, ni connexion, mais une invitation à l'autonomie (appel à la libre interprétation du récepteur). Cette invitation est un moyen de lutter contre l'invisibilité partielle des IS. Elle permet, en effet, de proposer des pistes concrètes à expérimenter (au moyen de la recherche-action), pour, d'une part, faire évoluer la communication interne des IS et, d'autre part, permettre de renouveler la communication externe des IS dans l'espace public.