Le Conseil d’Etat confirme l’interdiction de mentions environnementales sur les produits générateurs de déchets

Dans une décision rendue le 31 mai 2024, le Conseil d'État a rejeté la requête de la Fédération de l'hygiène et de l'entretien responsable et de la Fédération des entreprises de la beauté qui contestaient le décret n° 2022-748 du 29 avril 2022, relatif à l'interdiction d'utiliser certaines mentions environnementales sur les produits et emballages. Cette décision confirme la légalité des dispositions réglementaires d’application de la loi AGEC visant à encadrer les allégations environnementales en France et à protéger les consommateurs.

Le contexte de la décision

La loi n°2020-105 du 10 février 2020, relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, a introduit l'article L. 541-9-1 dans le code de l'environnement, interdisant l'utilisation de termes tels que "biodégradable" ou "respectueux de l'environnement" sur les produits et emballages.

Le décret d'application du 29 avril 2022, contesté par les fédérations, précisait les modalités de cette interdiction – en introduisant les nouveaux articles R. 541-220 à R. 541-222 du code de l’environnement, ainsi que son champ d’application dans le temps et les délais d'écoulement des stocks de produits fabriqués ou importés avant sa publication.

Les fédérations requérantes défendent les intérêts d’entreprises qui ont régulièrement recours à des arguments écologiques ambigus ou trompeurs pour vendre, dans le secteur de la beauté et des détergents. L’introduction d’un recours contre le décret du 29 février 2022 s’inscrivait donc dans une démarche de lobbying évidente, fondée sur des arguments essentiellement liés à des considérations économiques.

Les Arguments des Fédérations

Les fédérations requérantes ont avancé plusieurs arguments pour demander l'annulation du décret. Selon elles, sur le plan procédural, le décret adopté différait du projet initial soumis au Conseil d'État. Sur le fond, elles affirmaient que le décret était incompatible avec la directive européenne 2005/29/CE sur les pratiques commerciales déloyales et d'autres règlements européens sur les cosmétiques et les détergents. Elles mettaient également en avant les coûts importants liés à la mise en conformité avec la nouvelle réglementation, incluant la fabrication de nouveaux produits et emballages et l'impact du décret sur la concurrence dans les secteurs concernés.

La Décision du Conseil d'État

Le Conseil d'État a rejeté l'ensemble des arguments présentés par les fédérations, apportant plusieurs clarifications juridiques importantes. Selon la Haute juridiction, le décret final ne différait pas substantiellement du projet initial soumis et adopté par le Conseil d'État, respectant ainsi la procédure réglementaire.

Par ailleurs, l'objectif principal du décret était de protéger l'environnement, une finalité distincte de la protection des intérêts économiques des consommateurs visée par la directive 2005/29/CE. Le Conseil d’Etat a estimé que les dispositions de la loi AGEC et du décret contesté n’étaient pas incompatibles avec les règlements européens sur les cosmétiques et les détergents car ces textes n’ont pas la même finalité, les premiers visant principalement la protection de l’environnement et la gestion des déchets, et les seconds la protection de la santé humaine.

Sur l'argument tiré de l'impact économique de l’application du décret pour les entreprises des secteurs de la beauté et des détergents, le Conseil d'État juge que les obligations imposées par le décret étaient proportionnées et nécessaires à l'objectif de protection de l'environnement. Il relève notamment que le délai d'écoulement des stocks jusqu'au 1er janvier 2023 offre une flexibilité suffisante pour les entreprises concernées.

La portée de la décision

Cette décision confirme la légalité et la nécessité d'une réglementation stricte sur les allégations environnementales, renforçant la transparence et la véracité des informations fournies aux consommateurs. Elle souligne également l'importance de la protection de l'environnement comme objectif de politique publique justifiant des restrictions commerciales dans le cadre du droit européen. Enfin, elle démontre que les pouvoirs publics ont un rôle à jouer dans la lutte contre le greenwashing, pour garantir que les mentions environnementales des produits ne soient ni trompeuses ni ambiguës. 

 

          En conclusion, le rejet de la requête par le Conseil d'État valide l'encadrement des allégations environnementales par la réglementation, jugée parfaitement compatible avec les obligations et les objectifs du droit européen. 

A court terme, cette décision oblige les entreprises à agir pour mettre leurs produits en conformité dans les délais impartis par le décret contesté. 

A plus long terme, elle ouvre la voie à d’autres contentieux notamment devant le juge judiciaire qui s’est peu prononcé sur ces questions, depuis la confirmation en 2009 par la Cour de Cassation de la  condamnation de Monsanto pour publicité mensongère en raison des mentions environnementales présentes sur les étiquettes du pesticide « Round-up » (Cass. Ch. Crim., 6 octobre 2009, n°08-87.757).

 

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