Il ne serait pas surprenant que ce rapport éclabousse les processus politiques en cours qui touchent aux questions de communication commerciale.
Sa publication intervient en effet quelques jours seulement après la renonciation du Sénat à l’interdiction de la publicité pour l’ultra fast fashion, incluse dans le texte de proposition de loi initiale et à l’issue des débats à l’Assemblée au premier semestre 2024. De manière tristement ordinaire, le Sénat a adopté un amendement remplaçant cette mesure – à l’ambition déjà limitée puisqu’elle visait surtout Shein et Temu, laissant de côté les H&M, Zara et consorts - par une nouvelle obligation de mention légale... Que feront nos députés lorsqu’il leur reviendra de se positionner en seconde lecture, et que les associations leur enverront massivement les dizaines de pages de ce rapport documentant l’explosion des dépenses publicitaires du secteur de la fast fashion, l’inefficacité des mentions légales et au contraire l’efficacité des mesures d’interdictions ?
Il en va de même concernant la Stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat (« SNANC » de son petit nom, un serpent de mer depuis plusieurs années maintenant) dont les arbitrages doivent être enfin rendus ces jours-ci. La ministre de l’agriculture (qui a tenté de bloquer en février la simple mise à jour scientifique du Nutri-Score, avant de céder sous la pression) s’oppose actuellement à l’inscription du Nutri-Score obligatoire sur les publicités et les produits et l’interdiction de la publicité pour les produits trop gras trop sucrés trop salés. Quels seront les mots du gouvernement pour justifier une telle décision, après la publication d’un rapport de leurs propres inspecteurs qui ne laisse aucune place à une justification rationnelle pour une telle décision ?
Mais finalement, c’est peut-être dans la durée que se révélera toute l’étendue de l’intérêt de ce rapport. Ce travail encyclopédique, et notamment dans les six premières annexes, offre une synthèse à jour des connaissances sur un très grand nombre de sujets relatifs aux effets et au fonctionnement de la publicité. Il fournit aussi des données et des analyses inédites, à partir de ses propres travaux ou grâce aux auditions d’autres services du gouvernement qui révèlent leurs données internes. Et souvent, des outils précieux ont été réalisés : tableaux synthétiques des mesures réglementaires existantes, fiches techniques sur chacune d’entre elles, données consolidées sur les dépenses par secteurs, etc.
Par conséquent, ce rapport va devenir LA ressource de référence pour toute une série d’acteurs. Il permettra aux journalistes et aux associations d’accéder rapidement à des informations solides sur ces sujets dès que nécessaire, mettant ainsi fin au brouillard parfois entretenu sur certains sujets par l’Association des agences-conseils en communication (AACC) et l’Union des marques (UDM)… Il va conduire les associations et les chercheurs qui moulineront différents jeux de données à élaborer des nouvelles analyses et propositions ou des outils plus pédagogiques aussi (datavisualisation), qui viendront à leur tour enrichir les débats intellectuels et d’opinion sur ces sujets.
D’ailleurs, le travail précieux réalisé par les auteurs du rapport pour cartographier et catégoriser les données disponibles sur le marché de la communication commerciale - identifier les jeux de données (in)accessibles et suggérer des méthodes pour croiser certaines données - donnera des idées aux chercheur·ses et aux doctorant·es, qui viendront à leur tour produire de la connaissance approfondie dans les années qui viennent.