Taxer la publicité pour consommer autrement

La communication commerciale à l'ère de la sobriété

L’association Communication et démocratie et l’Institut Veblen publient un rapport intitulé “La communication commerciale à l’ère de la sobriété. Taxer la publicité pour consommer autrement”. Il livre des chiffres inédits sur les impacts économiques de la publicité, qui montrent l'incompatibilité du modèle actuel avec les objectifs de sobriété et de transformation écologique. Le rapport formule également des recommandations, notamment de politiques fiscales volontaristes qui portent sur les dépenses de communication commerciale.

Téléchargez le rapport (pdf, 50 pages, 7 mo) et sa synthèse (pdf, 18 pages, 12 mo)

Ce rapport s'appuie sur les travaux de recherche des universitaires Francesco Turino et Samuel Delpeuch, consignés dans un papier de recherche (working paper) librement accessible en ligne   - lien externe (en anglais). Ce working paper est actuellement soumis au processus de revue par les pairs dans la perspective de sa publication en 2024.

Nos recommandations

Rendre publique l'information sur les dépenses de communication commerciale pour les produits sensibles (automobile, fast-food, soft-drink, smartphone, etc.)

Taxer les dépenses publicitaires des grandes entreprises à 8%, hors secteurs/produits stratégiques pour la transformation écologique (réemploi, bio, renouvelable, etc.)

Interdire la promotion des secteurs/produits particulièrement polluants ou mauvais pour la santé (énergies fossiles, véhicules individuels à moteur thermique, voyages en avion, produits alimentaires de Nutri-Score D et E, ou C pour les enfants)

Établir une autorité indépendante de régulation de contenus, pour lutter contre l'obsolescence marketing et le blanchiment d'image

La forte pression publicitaire augmente la consommation des ménages

Depuis des décennies, l'effort financier mis en oeuvre par les entreprises pour inciter les populations à la consommation de leurs produits est colossal : près de 34 milliards d'euros en 2019, soit à peu près l'effort que les entreprises fournissent pour la recherche et le développement, un levier jugé central pour l'innovation.

Basé sur une étude universitaire, ce rapport montre qu'en France, le haut niveau de dépense publicitaire et de marketing promotionnel des annonceurs a conduit, entre 1992 et 2019, à une augmentation cumulée de 5,3 % de la consommation.

Pourquoi ? Car l'augmentation des dépenses de communication commerciale entraine une augmentation du sentiment d'insatisfaction des particuliers par rapport à leur niveau de consommation préexistant, et participe ainsi au phénomène d'obsolescence marketing.

 Sur cette période, le poids relatif de la consommation des ménages dans le PIB s'est renforcé au détriment de celui des investissements. Et pour financer cette consommation additionnelle, la population a augmenté son temps de travail total de 6,6 %.

Durant cette même période, les entreprises ont augmenté leur taux de marge de 0,84 %, renforçant ainsi leur position sur le marché au détriment des compétiteurs moins actifs sur le volet de la communication commerciale.

En d'autres termes, la forte pression publicitaire a effectivement rendu les individus français plus désireux de consommer, en particulier les produits des entreprises qui figurent parmi les principaux annonceurs.

Un marché concentré entre de grands annonceurs sur une poignée de produits sensibles

Loin d'être au service de la majorité des entreprises du pays, qui se comptent en millions, seulement quelques dizaines de milliers d'entreprises ont accès au marché de la communication commercial. Et la concentration s'intensifie encore à l'intérieur du marché : en 2019, moins de 500 en assuraient les 2/3 et 31 très grands annonceurs en tenaient 20 % à eux seuls, avec des budgets moyens de campagne qui s'élevaient à 125 millions d'euros.

De plus, l 'importante variété des produits qui font l'objet de communication commerciale occulte parfois une concentration extrême des dépenses sur une poignée seulement de produit.

  1. Des pubs pour les "transports" ou pour des "véhicules thermiques individuels"?

    Le secteur des transports est régulièrement le premier en volume de dépenses de communication commerciale, il regroupe 10 types de produits, dont “automobile”, “motos et cycles”, “bateaux de plaisance” ou encore “construction ferroviaire”. Mais en fait presque totalement dominé par la promotion des seuls véhicules automobiles : un rapport de 2020 chiffrait les dépenses publicitaires pour les voitures à moteur thermique des 10 premiers groupes automobiles à 4,3 milliards d'euros en 2019, soit plus que les données de France Pub pour tout le secteur transport! Une autre étude montrait que 42% de ces dépenses portait sur des SUV...

  2. Des pubs pour "le voyage et le tourisme" ou pour de la "malbouffe"?

    Le secteur “voyage-tourisme” est un véritable poids lourd du marché publicitaire puisqu’il pesait près d’1,8 Mds€ en 2018. Il renvoie à 14 types de produits, dont la publicité pour les offices de tourisme ou la location de véhicule. Mais il inclut également - c’est moins intuitif - l’activité de restauration, et notamment, de manière distincte, celle de la restauration rapide, dite également « fast-food ». En 2018, trois marques de fast-food - McDonald’s, Burger King et KFC - ont à elles seules dépensé plus de 350 millions d’euros de communication en France, soit plus d’1/5 de la totalité des dépenses dans le secteur “voyage- tourisme”.

  3. Des pubs pour des "boissons" ou surtout des sodas trop sucrés?

    Le secteur des boissons pèse près de 700 million d'euros chaque année et inclut 13 types de produits, tels que le cidre, le champagne ou les jus de fruit par exemple. Mais il repose à près de la moitié sur les seuls “soft-drinks/ sodas” – boissons trop sucrées – dont 1/3 du volume est contrôlé par Coca-Cola, Oasis et Orangina.

  4. Des pubs pour "la culture et les loisirs" ou pour des paris en ligne?

    Le secteur de la culture et des loisirs pesait 1,2 Milliards d'euros en 2021, et il inclut 17 types de produits différents dont les dépenses pour les casinos et les paris en ligne. En 2021, les opérateurs des jeux d’argent et de hasard ont investi près de 239 millions d’euros en communication commerciale, soit 1/5 des dépenses totales du secteur.

Surconsommation : répartir les efforts en fonctions des responsabilités et des moyens

Dans le contexte d’aggravation de la crise écologique, les impacts environnementaux de cette consommation sont nombreux. Les émissions de CO2 liées à la consommation des ménages français sont élevées (24,62TCO2 en moyenne en 2010 en intégrant les émissions importées), et la consommation de biens figure en tête des différents postes d’émissions.

Mais ces moyennes masquent des disparités importantes: les ménages les plus riches émettaient en 2010 en moyenne plus du double (2,6) des émissions des ménages les plus pauvres, notamment sur le principal levier, celui de la consommation de biens. De plus, 40 % de la population aurait un niveau de vie inférieur ou égal au montant évalué pour les « budgets de référence », nécessaire pour financer les conditions permettant d'assurer le bien-être.

C’est pourquoi un travail sur la réduction de l’empreinte carbone de la consommation des ménages doit viser en priorité les dépenses dans les biens d’équipements et de consommation courante réalisées par les ménages dont le niveau de vie garantit déjà la satisfaction du bien-être.

Pour une taxe à 8% sur les dépenses de publicité

La régulation de la publicité, et plus largement des activités de communication commerciale, apparaît comme un outil incontournable, à mobiliser parmi d’autres pour lutter contre la surconsommation et ses impacts écologiques. C’est aussi un outil approprié sur le plan politique dans la mesure où il peut bénéficier aux consommateurs tout en étant juste sur le plan social. Pour agir sur le niveau global de pression commerciale, l’outil fiscal est indiqué.

Le niveau d’imposition sur les dépenses de communication commerciale en France est faible, inférieur à 2,5 %. Des politiques fiscales plus volontaristes – au moins le double du niveau actuel - conduisent à des baisses significatives des dépenses de publicité et de marketing promotionnel,  et elles réduisent le poids relatif de la consommation dans le PIB au profit de celui des investissements. De plus , elles auraient un effet en matière de réduction du temps de travail, et des répercussions positives sur le niveau des salaires, et se traduisent ainsi par une augmentation du “bien-être”.

Nous recommandons une taxe à 8% ciblée sur les dépenses de publicité des grands annonceurs, à l'instar de celle sur les dépenses promotionnelles dans le secteur pharmaceutique, mais dont serait exemptés les secteurs particulièrement stratégiques pour la transformation écologique de l'économie, tels que l'agriculture biologique, le secteur réemploi ou des énergies renouvelables par exemple. A l'inverse, les produits particulièrement nocifs pour l'environnement ou la santé publique, tel que les voiture individuelles thermiques, les voyages en avion ou les produits alimentaires de Nutri-score D ou E devraient être simplement interdits d'accès au marché publicitaire.

Nous recommandons une taxe à 8% ciblée sur les dépenses de publicité des grands annonceurs, dont serait exemptés les secteurs particulièrement stratégiques pour la transformation écologique. A l'inverse, les quelques produits particulièrement nocifs pour l'environnement ou la santé publique devraient être simplement interdits d'accès au marché publicitaire.

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